Les Royaumes de Midgard
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Mortellombre
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Date d'inscription : 27/02/2018

Le choc des Seidramads Empty Le choc des Seidramads

Jeu 1 Mar - 19:53
C'était la seule fois de ma vie que j'ai assisté à un duel de seidramads et, malgré l'expérience que ce fut, je m'estime malgré tout heureux d'avoir pu vivre pour la raconter.

C'était il y a deux ans. Je faisais partie d'un petit groupe de voyageurs en provenance d'Helheim, où j'avais exercé comme scribe pendant six mois avant de partir chercher du travail au Sud. Nous n'étions entrés dans la grande forêt des alfes que depuis trois jours lorsque notre guide fut embroché par un sanglier sorti en trombe du sous-bois. Il mourut de ses blessures en seulement quelques heures, nous laissant seuls sous l'épaisse canopée, au milieu d'un territoire inconnu et potentiellement hostile.

Nous avions erré pendant deux semaines, malades et hagards de la maigre nourriture que nous parvenions difficilement à récupérer, vers ce que nous espérions être le sud, tentant de nous repérer aux étoiles lorsque la dense végétation nous les laissait voir, lorsqu'une série de glapissements suivis de grognements et d'un silence de mort attirèrent notre attention. Difficile de repérer l'origine d'un tel bruit dans la jungle d'arbres et de fougères qui nous cernait, mais l'appétit et l'espoir carnassier d'un repas plus consistant semblèrent soudain affiner notre perception puisque nous nous dirigeâmes tous aussitôt, tel un seul homme, vers la source supposée des cris.

Armes au clair au cas, prêts à faire fuir tout prédateur potentiel, nous déchantâmes rapidement devant le spectacle qui s'offrit alors à notre vue. Au pied d'une souche couverte de mousse, dans la pénombre d'un soleil d'après-midi déclinant, déchiquetant à pleines dents les cadavres encore fumants d'une biche et son petit, se tenait accroupie la forme d'un être vicié et malfaisant, vomi des turpitudes du monde et maudit des dieux : un Ulfhednar sauvage ; un homme-loup dont la métamorphose avait consumé l'esprit et distordu les chairs dans une parodie sanglante d'animalisme.

Lorsque nous franchîmes le couvert des bois pour assister à ce spectacle, la bête tourna aussitôt sa truffe sanglante pour nous fixer de ses yeux torves. Elle parut nous flairer pendant ce qui me parut une éternité lorsque, d'un bond aussi soudain qu'irréel, elle se rua sur l'un de mes compagnons désarmé qui aurait sans doute fini éventré sur le coup sans ce qui se passa au même moment. De derrière moi surgit brusquement le membre le plus frêle et fragile du groupe, un Hel silencieux qui nous avait rejoint quelques jours après le départ et n'avait guère communiqué avec le reste du groupe depuis, qui repoussa la cible de la bête sur le côté d'un coup d'épaule et saisit ses griffes à pleine mains. Faisant montre d'une musculature étonnante que je n'avais jusque là jamais observée, ses muscles tendus mettant à mal le cuir de sa veste et ses jambes épaisses dépassant d'un pantalon soudain trop court, il parvenait à contenir la bête qui tentait de le mordre au visage, sans toutefois pouvoir y arriver. Après quelques secondes de ce duel de muscles, il parvint à tordre le bras de la créature qui bondit en arrière et se mit à gronder. Elle prit ainsi de la distance et se mit à nous tourner autour, cherchant la faille dans notre défense.

Aucun de nous n'était un guerrier dans l'âme. Nous avions pris la route insouciant et, bien qu'habiles à l'arc et à l'épée, aucun de nous n'avait jamais eu à combattre pour sa survie ; aussi étions-nous inquiets mais farouchement décidés à lutter, ayant à la fois nos vies et notre honneur en jeu.

Présentant un front uni face à l'être malfaisant, épaules contre épaules et mains fermes autours de nos lames, nous en profitâmes pour jeter un regard surpris, empli d'une crainte et d'un respect nouveaux, sur notre compagnon re-découvert. Paraissant alors plus grand d'une bonne dizaine de centimètres, sa carrure semblait s'être métamorphosée. Ses membres allongés et sa posture courbée, prête à l'attaque, ressemblaient d'ailleurs curieusement à l'Ulfhednar que nous avions en face. Ses réflexes semblaient également étrangement vifs et il paraissait pris de spasmes, bougeant la mâchoire et serrant des mains chaque fois que l'autre faisait de même, grondant autant qu'elle et bondissant nerveusement à chaque pas, les tendons prêts à exploser, en une symétrie étonnante de son adversaire. Cependant, alors que la créature roulait des yeux fous sur chacun de nous, notre camarade affichait au contraire un regard concentré et déterminé, en contraste total avec les mouvements qui le trahissaient.

Cette ronde incessante et ces grognements mettant nos nerfs à rude épreuve prirent fin lorsque, ayant visiblement fait son choix, la bête se replia pour charger sur nous. En deux bonds, elle atteignit notre camarade qui eut à peine le temps de lever ses bras en une parade maladroite. S'il semblait plus fort et agile, ses capacités martiales laissaient cependant à désirer et il était évident que c'était une première pour lui aussi. Un coup de griffe lui arracha un lambeau de cuir des épaules et un autre entailla sévèrement son bras gauche. En retour, il asséna un violent coup de poing au torse de la créature et un coup de pied à l'entrejambe, qui n'eurent d'autre effet que de la faire grogner vaguement. Les mouvements des deux combattants étaient étonnamment rapides et j'avais du mal à distinguer qui touchait qui, mais il semblait évident que notre comparse n'avait guère de chances de survie si le combat perdurait. En quelques secondes, la créature soufflait déjà beaucoup mais son adversaire saignait abondamment et des balafres traversaient son torse, son visage et son dos de telle sorte que j'ignore comment il parvenait encore à rester conscient.

Le voyant ainsi faiblir, nous nous ruâmes alors pour lui venir en aide et accablâmes le monstre de coups redoublés. Celui-ci semblait cependant fort bien résister à nos coups et emporta dans la bataille le bras et la vie de deux de mes camarades, d'un coup de griffe puis d'un coup de dents, arrachant la carotide du second qui mourut avant même de toucher le sol. Nous étions encore trois à mener le combat : deux compagnons survivants, le bouclier de l'un d'eux s'étant fendu dans toute la largeur et lui ayant mutilé le bras au passage, combattaient à l'épée et moi-même, dont la lame semblait rebondir sur le cuir maudit. Nous étions rapidement arrivés à bout de souffle lorsque je me sentis soudainement vidé de toute mon endurance. Mes compagnons semblèrent subir le même coup puisque nous nous affalâmes tous trois sur l'herbe rougie et la créature elle-même, que nous pensions prête à nous dévorer, recula et se tint la poitrine, respirant à grand peine. C'est alors que le seidramad, que nous pensions vaincu et hors de combat, bondit de nouveau, épée au poing cette fois, et atterrit sur le torse de la bête qui recula en chancelant.
A bout de force, je n'eus que le temps de voir les deux êtres se déchirer mutuellement, dans un déluge de crocs, de lames, de griffes et de poings, avant de me laisser emporter par le sommeil.

Lorsque nous reprîmes conscience, ce fut pour assister à une scène de carnage. A nos pieds, nos deux compagnons terrassés par la bête gisaient dans une mare de sang, luisante dans le soleil couchant ; plus loin, le corps du sorcier était devenu méconnaissable : redevenu aussi maigre et chétif que nous nous en rappelions, son bras droit était sectionné à hauteur de poignet, sa main misérablement rattachée au reste du corps par un fin lambeau de chair et de muscles et ses jambes, tordues dans des positions invraisemblables, avaient été visiblement broyées. Ses viscères s'étalaient sous lui et lorsque nous le retournâmes, nous vîmes sa main gauche crispée fermement sur la plaie ouverte d'où s'était enfuie sa vie. En marchant encore un peu, cherchant à achever la source de nos maux, nous trouvâmes rapidement la carcasse décharnée, couverte de plaies et de contusions, la gueule profondément entaillée et les bras lacérés par la violence du combat. L'un de mes compagnons lui planta son épée à travers le corps pour s'assurer du décès, précaution bien inutile devant l'état apparent de la créature.

Profitant des dernières lueurs du soir, nous préparâmes à manger avec les restes de la biche et du faon, reprenant nos forces tant bien que mal, encore secoués de cette aventure et incertains de la marche à suivre. Nous mîmes en place un bûcher funéraire pour nos frères morts au combat et j'improvisai même une chanson sur le thème de leur héroïsme. Je crains que celle-ci ne reste dans les annales, mais puissent-ils tout de même avoir trouvé leur place au Valhalla !

Notre errance dans les bois dura encore une semaine avant que nous n'atteignions un village de bûcherons. L'un de nous trois, qui était tombé malade en se nourrissant de baies inconnues, fut soigné chez un herboriste mais conserva des stigmates qui lui déformèrent le vissage. L'autre et moi fûmes reçus par le Jarl à qui nous racontâmes notre aventure et qui nous hébergea le temps de nous en remettre.

Je fut en état de repartir au bout d'à peine une semaine, mes plaies pansées et mon moral regonflé, désormais conscient de la chance que j'avais eu de survivre et ayant un peu mieux compris ce à quoi nous avions assisté, mais mes compagnons, plus gravement blessés et choqués, décidèrent de rester sur place quelques temps supplémentaires.
Un nouveau guide me fut assigné, qui me conduisit gracieusement jusqu'à Alfheimborg, à quelques kilomètres au Nord-Ouest (j'ignore comment nous avons pu rater les nombreuses routes qui y menaient, mais je mettrais ça sur notre méconnaissances du territoire Alf et notre état maladif d'alors...) où je finis par trouver un travail comme copiste chez un riche graveur de la capitale. J'ai depuis raccroché les armes, bien décidé à ne plus jamais affronter l'odeur du sang, et des nouvelles récentes m'ont appris que mes compagnons avaient finalement trouvé du travail comme bûcherons dans le petit village qui nous avait accueilli. Je suis heureux de les savoir en sûreté, loin des affres de la guerre et de la violence du monde.
Quant au Seidramad qui nous a sauvé la vie, malgré la nouvelle politique d'Asgard visant à réprimer ses semblables, j'espère que les dieux sauront lui accorder la place qu'il mérite et je ne regrette qu'une chose : ne pas avoir eu la chance de le connaître mieux.

Olaf Sigurdson, copiste - 7è Jour d'Heyannir - IIIè année du Nouveau Calendrier Asgardien - Alfheimborg, Alfheim
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